Cette année, je n’aurai pas fait de doublé traversée à pied et traversée à skis de fond du lac de Joux gelé, contrairement à l’an passé. Mais je ne peux pas trop me plaindre car, encore à la mi-février, la possibilité traverser ce magnifique glacé cet hiver me semblait alors bien compromise en raison des conditions climatiques qui prévalaient. Par exemple, le 19 février Frédéric Ravussin écrivait dans le journal vaudois 24 Heures :

Pour la première fois depuis 2006 le lac de Joux ne sera pas ouvert à la marche et au patinage cette année […] il faudrait un peu de redoux pour que la neige qui recouvre le lac fonde. Puis que cette phase moins froide soit suivie d’une période de très basses températures qui permette à la glace d’épaissir suffisamment pour offrir des conditions de sécurité suffisantes. Au vu de l’avancement de la saison, il y a cependant peu de chances pour que ces conditions météorologiques soient réunies avant le printemps.

C’est pourquoi lorsque le 28 février j’aperçus un titre d’article dans l’édition en ligne du 24 Heures indiquant que le lac était ouvert, j’avertis vite ma femme que samedi serait réservé à la traversée de ce lac gelé. Elle acquiesça tout de suite car tous deux nous avions été vraiment emballés par notre première traversée du lac de Joux gelé l’année précédente (compte rendu disponible ici).

Donc le samedi 2 mars,  nous prîmes la décision de faire l’impasse sur le gros des commissions que nous faisons d’habitude ce jour là afin d’arriver au plus tard en milieu d’après-midi à ce qui serait le point de départ de notre marche : Le Pont. Une fois arrivés à la gare CFF de Le Pont, nous n’eûmes qu’à marcher en peu plus d’une centaine de mètres pour nous retrouver face au lac. Quelle magnifique spectacle s’étalait alors devant nos yeux (il faut cliquer sur les photos pour les agrandir).

Panorama depuis Le Pont 2 mars 2013

Une dame asiatique qui avait remonté la rampe qui mène au lac avec son fils passa près de nous en courant : elle était visiblement comblée d’avoir foulé de ses pieds cette étendue de glace normalement infranchissable à pied car elle en riait comme une gamine en interpellant son fils dans une langue qui me semblait être le vietnamien. Sa joie était vraiment contagieuse. A notre tour, nous avons pris la rampe qui mène au lac et, arrivés au niveau où près de 360 jours par année l’on ne se risquerait pas à faire un pas de plus et encore moins d’y poser ses deux pieds, nous avons foulé la glace avec précaution tout d’abord. Heureusement, la glace semblait suffisamment solide pour supporter notre poids. Nous avons donc poursuivis notre marche en direction du Pégase ailé (d’André Lasserre, 1959), dans un premier temps d’un pas lent et précautionneux, puis d’un pas bien plus volontaire et rapide.

Diverses actitivités sportives pratiquées sur le lac gelé de Joux, 2 mars 2013

Malgré le temps plutôt maussade, il y avait beaucoup de personnes sur lac (même si on ne le dirait pas en regardant ce montage de photos), parmi elles bon nombre d’adeptes de sports d’hiver : patineurs/euses, skieurs/ieuses de fond, cyclistes, marcheurs et marcheuses. Pour ma part, j’ai été surpris du nombre de skieurs de fond, bien plus élévé que lors de mes deux visites de l’an passé – dont  ce groupe sympathique de jeunes skieurs débutants accompagnés de deux adultes –, et en voyant plusieurs je notai mentalement que ce serait une bonne idée de faire du vélo l’an prochain au cas où le même phénomène de gel se reproduirait.

La longue marche à travers le lac de Joux gelé_2 mars 2013

Après avoir quitté les parties du lac proches de Le Pont et de Charbonnières (soit l’extrémité nord ouest du lac), ce fut le début d’une longue marche de plus de trois heures en direction de Le Solliat. Les promeneurs et skieurs se faisaient un peu plus rares. Mais cette vaste étendue de glace, recouverte parfois de plusieurs centimètres de neige, semblait nous défier de la parcourir d’une extrémité à l’autre. Et nous étions vraiment décidés à relever le défi.

Salomon Fellcross et empreinte chaussure_lac de Joux gelé_2 mars 2013

Un peu après la mi-parcours, j’estimai qu’il était temps d’essayer ma nouvelle paire de chaussures de course pour neige achetée aux soldes la veille : une paire de Salomon Fellcross. La semelle est pourvue de crampons en plastique et offre ainsi une très bonne adhérence sur la neige. Par contre, il n’en va pas de même sur les parties glacées sur lesquelles j’eus à marcher sur le lac : heureusement, que j’avais des bâtons de marche pour me soutenir ! A la décharge des Salomon Fellcross : ces chaussures ne sont pas décrites par le fabricant comme étant faites pour la glace, mais uniquement pour la boue et la neige (je m’étais permis cette déduction quelque peu hâtive et uniquement basée sur mon appréciation).

Traces de ski de fond_lac de Joux gelé, 2 mars 2013

Une plaine blanche presqu’à perte de vue, parsemée ci et là de marques laissées par des skis de fond et de minuscules points représentant des êtres humains perdus au loin, se confondant avec un ciel gris-laiteux pour créer une ligne d’horizon quasi indiscernable … l’on se croirait presque devant un tableau d’art contemporain.

Fracture géante traversant le lac gelé de Joux 2 mars 2013

Quelque part après Le Lieu, nous eûmes à franchir la première ligne de fracture de la glace. Cette ligne, constituée sur une bonne centaine de mètres de deux lignes, semblait traverser le lac de part et d’autre. En ayant traversé l’an passé au moins quatre des lignes de fracture (je crois même cinq), la vue de ce phénomène n’était pas suffisante pour nous inciter à rebrousser chemin. Par contre, je dois avouer que le fait d’entendre la glace craquer sous ses pieds (comme ce fût le cas ici) n’est pas très rassurant.

Panorama Lac Joux probablement vers Le Sentier 2 mars 2013

Le mini-défi du franchissement de la ligne de fracture relevé, il restait en tout cas encore un bon tiers de la distance à parcourir …

Autre ligne de fracture_lac gelé de Joux_2 mars 2013

Mais nous rencontrâmes une ligne de fracture plus large très certainement en face de Vers chez Aron. A proximité de ce que je pense être le lieu-dit Entonnoirs du Rocheray, la couche de glace principale s’était fissurée pour laisser remonter l’eau du lac, laquelle s’était ensuite congelée en partie.

Troisième ligne de fracture_montage_lac de Joux gelé_2 mars 2013

Il est évident que je préférai ne pas vérifier empiriquement le bien-fondé ou non de l’assertion du nivologue Robert Bolognesi lorsque celui  affirme dans son livre Chemins de neige: balades nivologiques au-dessus des lac romands (page 43) que :

La capacité d’une couche de glace à supporter une charge croît rapidement avec son épaisseur : ainsi, on ne peut circuler à pied sur un lac gelé que lorsque la couche de glace est épaisse de dix centimètres environ mais un avion de 70 tonnes peut atterrir sur les pistes de glace des régions arctiques dès que l’épaisseur de glace est de l’ordre de 1,50 mètres.

Mon épouse qui ne connaissait pas cet ouvrage fut tentée encore moins que moi de marcher au-dessus de cette fissure oblique pour en tester la solidité. Donc, tous deux, nous contournâmes cet endroit.

Quatrième ligne de fracture_lac de Joux gelé_2 mars 2013

La quatrième et dernière ligne de fracture (après Le Rocheray) ne nous impressionna guère par contre. Nous la franchissâmes sans trop y prêter attention.

Panorama Lac Joux probablement vers Le Rocheray 2 mars 2013

Nous dirigeâmes ensuite en direction du lieu-dit L’Arcadie. Avec pareil nom, nous étions prédestinés à faire une belle rencontre.

Terrain de jeux à l'extrémité du lac de Joux gelé_Golisse_2 mars 2013

A défaut de bergers arcadiens, ce furent trois jeunes garçons qui aplanissaient leur mini-terrain de hockey qu’il nous fut donné de rencontrer et d’échanger quelques mots avec. Nous n’étions plus qu’à quelques centaines de mètres de l’extrémité du lac à La Golisse. Peut-être dix minutes plus tard, c’était chose faite : nous venions de traverser le lac de Joux à pied pour la deuxième fois en deux ans. Malheureusement, le lendemain, en raison d’une votation importante, je ne pus accomplir le doublé que j’avais accompli l’année précédente : traversée à pied le samedi suivie d’une traversée à skis de fond le lendemain (Back on Lac de Joux…). Si les conditions météorologiques le permettent, je compte relever ce défi à nouveau l’an prochain.

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